Suspensions abusives du permis de conduire : quand l’Etat indemnise
L’une des originalités de la procédure applicable aux infractions au Code de la route est qu’elle est constituée d’une procédure administrative et d’une procédure judiciaire qui s’entremêlent. Lorsqu’une infraction d’une certaine gravité est commise, le législateur a notamment donné le pouvoir au Préfet de suspendre, pour une durée déterminée, le permis de conduire. C’est le cas pour les excès de vitesse supérieurs à 40 km/h et pour la conduite sous l’empire d’un état alcoolique.
En principe, la durée de suspension administrative ne peut excéder six mois mais elle peut aller au-delà, jusqu’à un an, en cas notamment de délit de fuite ou lorsque le conducteur se trouve impliqué dans un accident ayant causé la mort ou des blessures graves à autrui (article L 224-8 du Code de la route).
Mais attention, la suspension administrative n’est pas une sanction. Ce n’est qu’une mesure provisoire dans l’attente d’une décision judiciaire. La justice peut donc à son tour prononcer une suspension du permis de conduire mais cette fois à titre de sanction.
Cette suspension peut être supérieure, égale ou inférieure à celle qui a été fixée par le Préfet et qui aura d’ailleurs le plus souvent déjà été exécutée en tout ou partie lorsque la Juridiction se prononcera.
Il se peut également que la Juridiction saisie des poursuites relaxe le prévenu, soit parce que sur la forme la procédure était viciée depuis son origine, soit parce que la personne qui comparaît n’est factuellement pas coupable. Dans ce cas, le justiciable aura vu son permis de conduire suspendu pour rien.
En effet, l’article 224-9 du Code de la route dispose que « les mesures administratives [comme la suspension préfectorale] sont considérées comme non avenue en cas d’ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe ou si la juridiction ne prononce pas de mesures restrictives du droit de conduire ».
C’est sur la base de cette disposition que le Conseil d’état a, dans un récent arrêt du 2 février 2011, décidé qu’un automobiliste, à qui il était reproché un excès de vitesse de plus de 50 km/h et dont le permis avait été suspendu pendant quatre mois par le Préfet, pouvait demander à être indemnisé par l’Etat.
La nouveauté est qu’il fallait auparavant démontrer une faute lourde de l’Etat ce qui était pratiquement impossible. Désormais, cette exigence est supprimée. Dans cette espèce, 1500 euros ont été octroyés à l’automobiliste qui avait saisi le Tribunal administratif à la suite de la décision de relaxe.
Les conséquences sur la vie de tous les jours que peut avoir une privation infondée du droit de conduire sont donc mieux reconnues aujourd’hui par la Justice. Bien entendu, le montant de l’indemnité est fonction du préjudice subi. Il sera encore plus facile à établir pour ceux, nombreux, qui ont impérieusement besoin de leur véhicule pour travailler.
Me Teissedre, Avocat au Barreau de Montpellier
Membre de la commission juridique de 40 Millions d’Automobilistes