Essai Bentley Continental GT Speed

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La Bentley Continental GT Speed est une version délurée du coupé d’origine. Le W12 de six litres est poussé à 659 ch, mais c’est surtout le travail réalisé sur le châssis qui fait d’elle une véritable réussite.

Cela fait 90 ans que Bentley produit des « Speed ». La première fut la SpeedSix, une voiture de course qui gagna les 24 Heures du Mans en 1929 et 1930 grâce à l’implication des fameux Bentley boys. Le terme Speed a ensuite été mis aux oubliettes, jusqu’en 2007 où il sera accolé pour la première fois à au coupé Continental GT. Mais il est toujours compliqué de rendre réellement sportive une voiture avant tout destinée au monde du Grand Tourisme. En 2017, c’est sous le nom de Supersports que Bentley avait fêté la fin de carrière de la Continental GT de seconde génération. Avec 710 ch, cette version surpuissante était attendue au tournant par une concurrence affûtée. Mais si elle accélérait très fort, c’est précisément dès le premier tournant que les choses devenaient difficiles…

Bentley revoit sa copie

Cette fois, le constructeur de Crewe (Angleterre) a souhaité aller au bout de sa démarche, et a pris les bonnes dispositions pour rendre cette grande et lourde voiture réellement dynamique. Il faut dire qu’il s’agit certainement de la dernière Bentley thermique de ce calibre, avant que la marque ne bascule dans l’électrique. Bentley a alors mis un point d’honneur à proposer une version vraiment équilibrée, avec des aptitudes sportives hors du commun. Le W12 passe seulement de 625 à 649 ch, mais le travail sur le châssis a été si profond que Bentley promet qu’il s’agit là de son modèle de route le plus dynamique jamais produit. Pour y parvenir, les ingénieurs de la marque ont employé toutes les technologies disponibles dans le groupe Volkswagen, et donc logiquement chez Porsche, cette Continental GT partageant sa plateforme avec la Panamera.

Les dessous de la Continental GT Speed

Mais le client Bentley n’est pas celui de Porsche. Certes, il veut bien de la sportivité (et encore), mais il souhaite conserver une importante dose de confort. Alors, pour combiner luxe, douceur et efficacité routière, Bentley a doté la GT Speed d’un train arrière directionnel recalibré, mais aussi de suspensions pneumatiques pilotées à trois chambres. La partie châssis est également servie par un différentiel arrière piloté par l’électronique, et de barres antiroulis un peu spéciales. Celles-ci sont en effet équipées de petits moteurs électriques qui peuvent délivrer une force de 1 300 Nm en 0,3 s afin de contrôler les mouvements de caisse en virage. Ce package associé aux 12 cylindres biturbo et aux plus gros freins du monde, finalise la promesse d’une voiture exceptionnelle. Et c’est plutôt réussi.

Au volant d’un tapis roulant

Inutile d’expliquer que l’intérieur d’une Bentley, c’est à la fois le luxe absolu et le classicisme établi de ces marques qui s’adressent aux familles très aisées. A tel point qu’un se demande si cette Speed est bien faite pour eux. En tous cas, en ce qui nous concerne, on est ravis… Le bouton Start réveille le W12, dans une douceur et une onctuosité extrêmes. Il ne révèle rien de son jeu rageur lorsqu’on se trouve au ralenti. Mais les premiers mètres permettent néanmoins de percevoir, déjà, le caractère volcanique de ce noble six litres. Les premières franches accélérations mettent en avant le sifflement des deux turbos. En modes Confort ou Bentley la mécanique continue de ronronner, mais en passant en mode Sport les échappements se libèrent et la boîte devient deux fois plus rapide.

Dans ce contexte, on est alors tenté par un premier kick down… qui se soldera par un enfoncement du corps dans le siège. La voiture dispose aussi d’un Launch Control, pour réaliser des départs canon, et faire plaisir au centre de service Bentley au moment de remplacer l’embrayage… Pied gauche sur le frein, pied droit à fond sur l’accélérateur, il n’y a plus qu’à lâcher les chevaux. Ceux n’ont jamais expérimenté quelque chose du genre seront surpris… L’horizon vous saute au visage, on a l’impression que le moteur va sortir du capot, et que la réserve de puissance est inépuisable. A moins d’être sur une piste d’aviation ou une autoroute allemande (pas facile pour un départ arrêté…) l’exercice est compliqué à réaliser.

Et le dynamisme, alors ?

Cette Bentley est annoncée comme très véloce (3,6 s pour le 0 à 100 km/h, 335 km/h en pointe) mais surtout unique en termes de tenue de route. Les routes du sud de la Sicile ne sont pas les plus adaptées, mais la zone de notre essai présente l’avantage d’être peu fréquentée et avec des routes au bitume récent. Le moment est alors venu de découvrir un peu plus l’engin. Première remarque : la direction, plutôt consistante, embarque facilement vers le point de corde. Pour une voiture de 2,3 tonnes, c’est important. Ensuite, la voiture ne subit pas trop les transferts de masse grâce au pilotage du châssis (différentiel et barres anti-roulis 48V), mais les suspensions font un travail de sur-filtration. Ce n’est pas qu’on ne ressent pas la voiture, mais qu’on manque d’informations… La voiture est tellement isolée du sol qu’on se croirait sur un tapis volant. Seules les limites de la physique et les forces ressenties sur le corps donnent des informations sur ce qui se passe dehors. On perd un peu ses repères et il convient d’ailleurs de se raisonner, car tout cela engage aller encore plus vite et se sentir invincible.

Calmer ses ardeurs…

Le tour de force technologique est évident, mais au bout d’un moment on se rend compte qu’en approchant des limites le danger est sûrement plus grand qu’à bord d’une pure sportive. Car si la remise des gaz est  bien gérée, qu’on n’hésite pas à rester à fond jusqu’au prochain freinage car on compte sur les gros freins carbone-céramique, il est évident qu’une voiture aussi lourde et grande de pourra pas offrir une grande progressivité en cas de problème. Certes, la GT Speed est équipée de toutes les aides à la conduite existantes. Mais sa configuration désinhibe le conducteur, voire lui fait perdre ses repères. En concevant la seule voiture de cette catégorie à savoir aller aussi vite et freiner aussi fort tout en maintenant une ambiance intérieure paisible et tel un niveau de confort, Bentley produit aussi une authentique machine avec laquelle on peut se faire très mal. Cette remarque vaut pour toutes les voitures de sport, mais s’applique particulièrement à cette Bentley « Speed », qui porte très bien nom.

En résumé, il s’agit d’une automobile sensationnelle, à ne pas mettre en toutes les mains. Mais compte tenu de son rang et de son prix, cela ne risque pas d’arriver. Toutefois, quel engin ! A croire qu’en approchant de l’ère de l’électrique, la production automobile thermique a encore de belles choses à nous montrer.

TECHNIQUE 

Moteur

Type : W12 biturbo

Position : longitudinale avant

Distribution : 4 soupapes par cylindre

Injection : directe 

Cylindrée :  5 950 cm3

Puissance : 649 ch entre 5 000 et 6 000 trs/mn

Couple : 900 Nm entre 1 500 et 5 000 trs/mn

Transmission

Mode : aux quatre roues

Boîte de vitesses : BVA (double embrayage), 8 rapports

Châssis 

Type : acier 

Freinage AV : disques carbone-céramique, 

Freinage AR : disques carbone-céramique

Suspensions AV/AR : pilotées

Direction : à crémaillère assistée

Dimensions 

Long / Larg / Haut (mm) : 4,85/1,94/1,40

Empattement (mm) : 2,85 m

Voies AV/AR (mm) : 1 667/ 1 663

Pneumatiques : 275x35ZR22 (AV)/315x30ZR22

Réservoir (litres) : 90

Performances 

Vitesse de pointe (km/h) : 335

0 à 100 km/h (s) : 3,6

Conso mixte (l/100 km) : 15 (estimation de l’homologation)

Poids

A vide (kg) : 2 273

Prix (€) : 270 120 

Malus (€) : 30 000