Convention Citoyenne pour le Climat : les 5 bonnes résolutions, les 5 moins bonnes
La Convention Citoyenne pour le Climat a regroupé 150 membres issus de la société française, qui ont défini des mesures pour réduire les missions de gaz à effet de serre, y compris pour l’automobile.
Il s’agit d’une nouvelle façon de penser la démocratie par le biais du débat citoyen. Lancée à la suite des mouvements sociaux des Gilets Jaunes mobilisés contre la hausse des taxes sur les déplacements, cette expérience inédite a permis de donner la parole à des individus dont les différentes origines sociales, professionnelles et d’âge ont été autant de points de vue différents sur un problème concret : apporter des propositions visant à réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre.
L’organisation de la Convention Citoyenne
Au total, ce sont 7 sessions de travail, débutées en octobre 2019 et étalées jusqu’en juin 2020, qui ont permis aux 150 citoyens choisis par tirage au sort de travailler sur les mesures que l’Etat pourrait mettre en place afin de faire baisser le taux d’émissions de CO2 et ainsi de limiter l’impact du réchauffement climatique.
A la différence des autres projets qui ont vu émaner des décisions prises par « le haut » (politiciens, gouvernement, experts), les propositions proviennent « du bas », c’est-à-dire des citoyens eux-mêmes, sans passer par le filtre d’un député. On peut toutefois objecter que les avis de personnes qui ne sont pas expertes en la matière ne peuvent avoir une valeur d’autorité.
Cette Convention Citoyenne pour le Climat est donc une entité politiquement indépendante dont l’organisation a été confiée au Conseil Economique, Social et Environnemental, autonome dans sa prise de décision. Des experts du climat, de la démocratie participative, de l’économie et du social ont permis de guider les délibérations et de garantir leur indépendance, en dehors de toute pression extérieure. Des centres de recherche, des garants mais aussi des observateurs complètent également le dispositif participatif afin de donner au comité toutes les pistes nécessaires pour mener la réflexion jusqu’à son terme.
Avec un budget de 5 millions d’euros d’alloués à la Convention Citoyenne pour le Climat afin d’organiser et d’indemniser les personnes tirées au sort (défraiement, garde d’enfants, indemnités), l’Etat montre un certain intérêt pour la parole citoyenne. Mais pour quels résultats et quelle légitimité auprès du pouvoir en place ?
Au final, quelles sont les préconisations présentées dans le rapport final présenté au Président de la République ? Notre sélection de mesures at été faite dans le volet thématique « Se Transporter », où 5 points qui nous semblent intéressants sont contrebalancés par 5 propositions qui nous semblent moins porteuses pour l’automobiliste.
Les 5 idées que la rédaction de l’Agenda de l’Automobile trouve bonnes
Dans le domaine automobile, la Convention Citoyenne pour le Climat part du constat qu’actuellement 30% des émissions de CO2 sont causées par nos déplacements, mais ne sont pas dus par l’automobile uniquement. Ils sont partagés entre 52% pour les voitures et les deux roues, 19% pour les poids lourds à égalité avec les véhicules utilitaires. Les vols intérieurs, les transports collectifs, l’avion et le train ne représentant que le reste, soit 10% d’émissions totales en France. Il s’agit donc de trouver des solutions pour réduire ce pourcentage global.
Encourager le train en alternative aux déplacements
Le train présente l’avantage de relier deux points tout en permettant aux individus de profiter du trajet pour faire autre chose : pas de vigilance particulière à avoir de la part des usagers, pas de bouchon et une voiture qui reste à l’abri au parking. L’inconvénient principal est de trouver un train (à l’heure) et une gare : la priorisation des investissements sur le développement des Lignes à Grande Vitesse a créé un délaissement du réseau secondaire, conduisant à la fermeture de petites gares et de petites lignes, remplacé par des navettes en car allongeant le temps de trajet. Le prix du billet, plutôt dissuasif qu’encourageant, est également pointé du doigt. Etant donné l’ennui que procure la conduite sur de longues distances, le coût délirant des péages et les radars, autant prendre le train !
La Convention propose donc d’investir dans la modernisation des infrastructures et du matériel roulant tout en développant les pôles multimodaux dans les gares. Pour redonner au train tout son intérêt, la baisse du prix du billet par le biais de nouvelles offres attractives et la baisse de la TVA à 5,5% sont des propositions qui vont dans le bon sens.
Au-delà de cette décision, la Convention a calculé que l’investissement annuel sur les lignes régionales, actuellement de 450 millions d’euros, passerait à près de 750 millions d’euros au-delà de 2025 avec des efforts portés sur l’électrification des lignes et l’amélioration de la signalisation pour une meilleure ponctualité. Sur ce dernier point, ce ne sera pas un luxe…
Réduire la circulation des poids lourds sur de longues distance
En plus de vouloir inciter les déplacements en train pour le public, le transport de marchandises pourrait également emprunter les voies ferroviaires et fluviales. Mais cela nécessite également de développer l’infrastructure, et de revoir la tarification pour rendre le ferroutage financièrement plus intéressant que l’autoroute. Il s’agit aussi de redynamiser le fret maritime et fluvial grâce à une baisse de la taxation et l’amélioration des navires.
Développer les camions à hydrogène
La Convention Citoyenne pour le Climat n’a pas que l’automobile en ligne de mire, et préconise aussi un développement de nouvelles énergies pour les camions, avec l’encouragement des recherches sur l’hydrogène. Cet effort devra être coordonné par un développement des stations, comme c’est le cas en Allemagne.
Favoriser les circuits courts
L’idée est d’appliquer un taux de TVA flottant dépendant de la distance sur laquelle le produit a transité : ce qui vient de près aurait droit à une TVA intéressante tandis que ce qui a beaucoup voyagé verrait son prix augmenter. Applicable uniquement sur l’achat final, c’est donc le consommateur qui réglera la facture : dommage, une taxe imputable au transporteur aurait été plus juste et pénaliserait directement les plateformes qui n’hésitent pas à faire traverser l’Europe à un produit que l’on peut trouver à côté de chez soi.
Toutefois, les DOM bénéficieraient d’une modulation de cette règle lorsque la production locale ne peut subvenir à ces besoins, comme cela peut être le cas pour des denrées non produites localement. Dans l’ensemble, cette décision permettrait de favoriser les circuits courts, de sensibiliser sur une consommation plus responsable et profiterait à l’économie locale.
Mettre en place un portail unique permettant d’avoir toutes les informations sur les dispositifs et moyens de transport sur un territoire
L’Etat aurait en charge la création d’une plateforme informant sur les différents modes de déplacement disponibles entre deux points, leurs avantages et leurs inconvénients. Déjà en place en Finlande ou en Suède mais aussi en France à La Rochelle, une telle plateforme globale permettrait de comparer quel moyen de transport privilégier sans avoir à consulter plusieurs sources : sur un site de transports en commun, une application de navigation et une carte de randonnée, tous regroupés à un seul endroit, avec des données brutes comparables facilement (temps, émissions de CO2, tarif).
Les 5 idées que la rédaction de l’Agenda de l’Automobile trouve nettement moins bonnes
Encourager le rajeunissement du parc automobile
Si l’idée d’aider à la transition énergétique est tout à fait louable, elle s’accompagne toutefois par l’activation d’un levier réglementaire qui pourrait pénaliser les foyers les plus modestes. Par exemple des vignettes à apposer sur les plaques d’immatriculation donneraient droit à un accès au centre-ville ou à des parkings, et interdirait l’accès à ceux ne pouvant pas changer de véhicule.
Le bonus pour les véhicules peu polluants serait augmenté, tandis que le malus des véhicules polluants serait renforcé sans pénaliser les véhicules anciens. Mauvaise nouvelle pour les SUV : le poids deviendrait un critère de calcul pour le malus. Toutefois, il y aurait un exemption de malus pour les familles nombreuses, où l’achat d’un grand véhicule est justifié. Cet encouragement pour des véhicules neufs, peu polluants pourrait être encouragé par des prêts à taux zéro garantis par l’Etat, qui aurait pour conséquence directe de favoriser la production et de freiner le marché de l’occasion. Mais à un moment où il est annoncé un recul du PIB de 10% et que tant de Français arrivent tout juste à payer leur loyer suite à la perte de leur emploi ou de leur entreprise… est-ce vraiment le bon timing ?
Réduire les émissions de gaz à effet de serre sur les autoroutes et voies rapides
Cette mesure conduirait à une limitation des autoroutes à 110 km/h, mais est mise entre parenthèses pour le moment par le Président de la République : retrouvez notre réaction en détail en cliquant ici.
Aménager les voies publiques pour permettre de nouvelles habitudes
Cette mesure va de pair avec une amélioration de l’offre de transports en commun que la Convention Citoyenne pour le Climat pour une baisse de la part de l’automobile en ville. La création de parkings relais aux abords des centres villes devraient permettre de réduire la circulation de véhicules et donc l’émission de CO2 sur des zones denses. Encore faut-il que l’offre de bus, tramways ou vélos en libre service soit cohérente et qu’elle n’accélère pas une désertification des centres au profit des zones commerciales, plus faciles d’accès. Sans cela, c’est à nouveau une solution punitive pour les déplacements que les citoyens vont se voir imposer par quelques idéalistes.
Généraliser les aménagements de voies réservées aux véhicules partagés
Encourager le covoiturage et les transports collectifs en général limite l’usage individuel de son véhicule. L’accès à des voies dédiées semble être une bonne idée sur le papier mais elle pourrait aussi entraîner davantage de congestion sur les grands axes et donc d’émissions de CO2. De plus, le covoiturage dans le cadre des déplacements domicile-travail impose de composer avec les impératifs de chaque passager… et qui sont parfois incompatibles. Du coup, comment rentrer chez soi si un soir on doit rester plus tard que prévu au boulot ?
Interdire les véhicules anciens ?
C’est une mesure qui a fait grincer quelques personnes et certains de nos confrères, mais ne vous méprenez pas : cette mesure était une suggestion faite par le biais du portail participatif où chacun pouvait déposer sa propre doléance. L’utilisateur préconisait en effet la soudure des parties mobiles… En revanche, et tout comme la mesure visant à supprimer les publicités pour les véhicules trop polluants proposée par le député Matthieu Orphelin, il n’y en a pas de trace dans le rapport final. Ouf !
Peut-on rattraper le temps perdu ?
Sur ces divers points, on a l’impression d’être enfermés dans un cercle vicieux où le peu de moyens qui ont été mis en oeuvre durant les trente dernières années devraient être rattrapés en deux ans, à grands renforts d’investissements budgétaires qui auront du mal à faire évoluer les mentalités ancrées culturellement et socialement. « Nous sommes conscients que ces propositions auront un impact sur les acteurs », précise le comité de la Convention Citoyenne sur le Climat qui a apporté de bonnes idées en rapport avec l’usage de l’automobile.
Si l’on peut consentir à quelques efforts pour faire baisser la part des émissions de CO2 résultant de nos déplacements représentant aujourd’hui 30% des émissions totales dans l’atmosphère, il faudra aussi se pencher sur les 70% restants. Au sortir d’une crise où nous avons appris à nous confiner de nombreuses semaines au nom du bien commun, nous avons prouvé les efforts que nous pouvions faire. Ici, c’est à peu de choses près le même scénario qui se joue, mais il n’est pas question que l’automobiliste endosse toutes les responsabilités. Pouvoirs publics et industrie doivent prendre le devant et développer de réelles alternatives qui ne pénalisent pas nos libertés pour autant.
Pour l’exécutif, le travail ne fait que commencer puisqu’il va falloir étudier les 150 propositions et apporter une réponse concrète aux différents axes présentés, comme la réécriture de l’article 1er de la Constitution afin d’inclure les notions de biodiversité, d’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique. Un référendum pourrait avoir lieu en 2021 afin de statuer sur plusieurs propositions, avec la mise en place d’un fonds de transformation écologique avec, à la clé, une aide de 15 milliards d’euros sur deux ans.
Photos : DR / Tomwieden