Porsche Taycan Turbo / McLaren 720S Spider : passion et électricité, mariage impossible ?
Dans le cadre des essais presse organisés par l’AMAM, j’ai pu prendre le volant de deux des voitures les plus performantes du moment : il s’agit de la Porsche Taycan et de la McLaren 720S. Mais j’ai eu un problème de conscience, que je vais vous partager ici.
Des performances décoiffantes
En quelques chiffres, nous allons planter le décor en présentant les performances de ces deux missiles.
La McLaren, avec un poids plume pour sa catégorie de 1 332 kilos, profite des 720 chevaux et des 770 Nm de couple de son V8 biturbo pour passer de 0 à 100 km/h en 2,9 secondes et poser l’aiguille de son compteur sur le chiffre 200 à peine 5 secondes plus tard (7,9 secondes). La vitesse de pointe est de 341 km/h avec le toit fermé, et 325 la tête à l’air. Le tout en mode propulsion.
En face, la tornade électrique Taycan signée Porsche annonce, 625 voire 761 chevaux (pour le launch control), 1050 Nm de couple instantané, 4 roues motrices et 2295 kilos. Et oui, les batteries, si on veut avoir une autonomie décente, ça pèse lourd ! A force de voir des vidéos où des voitures électriques mettre des fessées à leurs cousines thermiques, on se dit que la McLaren 720S va se faire déposer par la Porsche Taycan.
C’est vrai que sur le 0 à 100 km/h, la McLaren 720S est laminée : 2,8 secondes pour la Porsche Taycan ! Je plaisante… (je précise au cas où…). Une fois arrivée à 200 km/h, le chrono de l’Allemande affiche… 9,6 secondes ! Mince alors… je vous ai parlé de la vitesse de pointe de la Taycan ? 260 km/h… 81 km/h de moins, ce n’est pas négligeable.
Tous ces chiffres sont beaux et impressionnants. Mais il y a comme un souci. Je viens de comprendre (je m’en doutais un peu…) que j’appartiens à ce qu’on veut nous présenter comme étant l’ancien monde de l’automobile. A 47 ans, c’est un peu dur d’avoir la sensation d’être ainsi classifié. Pourquoi ? Parce qu’aussi performante et belle qu’elle soit, la Porsche n’a pas un moteur, elle en a deux. Mais ils sont électriques.
Un choc de cultures
J’ai eu l’occasion de tester, au Salon de Genève, la première Tesla, roadster basée sur une Lotus Elise. J’avoue que je n’avais pas, sur le moment, compris quel plaisir on pouvait prendre à conduire une telle auto sans entendre un moteur. Bien des années sont passées et je ne comprends toujours pas.
Le plaisir automobile prend des formes très différentes. Pour certains, il repose sur une ligne, pour d’autres un châssis, une hi-fi, une image, le coté pratique…
Pour ce qui me concerne, c’est avant tout un moteur. Un 6 cylindres atmosphérique (atmosféérique…) d’une M3 CSL, un V8 d’une F430 Scuderia (ou pas…), un V10 d’une LFA ou une BMW M5/M6, un V12 Ferrari, un V8 de Corvette etc. La liste est longue. Bref, tout ce qui chante fort à des hauts régimes, idéalement sans l’assistance respiratoire d’un turbo. Ensuite, presque au même niveau, se trouve le châssis car « sans maîtrise la puissance n’est rien » La ligne finit, en général, de me convaincre.
Je me souviens d’un vieux CD avec des enregistrement de moteurs dont celui la Peugeot 905. Comme l’a écrit un certain Patrice Vergès, c’était « à se faire pipi le long des Burlington ». J’ai grandi avec cette culture de la motorisation. Et c’est aussi valable en compétition où je me rappelle du chant de la M3 E30, en rallye comme en circuit, absolument incroyable pour un 4 cylindres. Sans parler des V10 et V8 de la F1, ou encore du V8 d’une Mustang qui fend la nuit au deux tours d’horloge sur le Circuit Paul Ricard. La liste est longue. Ah oui, j’oubliais le V12 BMW d’une McLaren F1 dans les anciens stands de ce même circuit, quand elle partait plein gaz car la limite de la zone de vitesse était juste à quelques mètres du lieu de son immobilisation.
Et demain ?
Avec l’avènement de la voiture électrique, les générations futures ne seront pas biberonnées au son des moteurs. Mes filles, qui ont moins de 18 ans, font déjà partie de la génération qui s’interroge sur l’utilité d’un moteur qui fait du bruit. Pourtant ce n’est pas faute de les avoir bercées à coup de 6 cylindres Bavarois. Mais les enjeux écologiques semblent, tout au moins pour la plus jeune des deux, avoir une place importante dans le choix de la voiture. Ce qui génère des discussions intéressantes car la voiture électrique n’est pas la panacée avec son temps de charge et son réseau insuffisant.
Rouler dans une Zoe au quotidien pour des déplacements « utiles » ne me pose aucun problème. Mais pour ceux qui peuvent donner un peu de plaisir, cela ne m’est pas envisageable.
Je comprends les enjeux de notre planète. C’est celle que je laisserai à mes filles. Je n’ai d’ailleurs pas d’autre solution que d’accepter les dernières décisions des pouvoirs publics en terme de malus, sauf à partir vivre au Yucatán. Celle sur les SUV de plus 1 800 kilos me laisse de marbre car je n’ai jamais bien compris l’utilité de ces voitures en matière de plaisir de conduire.
Les propriétaires de Porsche Taycan sont sans doute très heureux au volant de leur voiture qui coûte quand même très cher. D’ailleurs c’est un régal de voir circuler cette Porsche que je trouve belle. Mais c’est comme regarder un bon film sans le son… Il me manque quelque chose. Et ce n’est pas le bruit qu’elle fait (on peut parler de bruit, pas de symphonie…) qui arrange les choses.
Conclusion
La McLaren 720S est une voiture incroyable, tout comme la Porsche Taycan. La première a des performances exceptionnelles. Si j’avais les moyens de choisir entre elle et la Porsche, c’est à son volant que je roulerais. Quoique… j’avoue que je prendrais une Ferrari 812 Superfast.
Philippe HORTAIL