Sécurité routière : en mode fail.

« On ne regrette de rouler trop vite que lorsqu’il est trop tard » Voici le slogan de la dernière campagne lancée par la sécurité routière mi-juillet et qui défile sur nos écrans de télé, sur nos radios et sur Youtube (plus de 1.5 million de vues à cet instant). Et là je dis STOP en décortiquant le tissu d’inepties que nous offre ce spot.

« On roulait un peu trop vite« … annonce la mère de famille. On nous parle de quelques km/h sur une route droite, sèche et limitée à 90 km/h. Ce « père-de-famille-assassin » est-il à 95 km/h ? 100 ? 120 ? 150 ? On ne sait pas. Mais on s’en fout car de toute façon c’est la vitesse qui est la seule responsable de cette situation. On croit rêver.

« On ne pouvait pas deviner qu’une autre voiture allait arriver » ajoute la maman. Ben non bien sûr car on roulait un peu trop vite et c’est pour cela qu’on a eu l’accident.

A aucun moment on se dit que c’est peut-être ce gros con qui fume la priorité qui pourrait être à l’origine de l’accident ? Ce débile profond qui s’engage sans faire attention lui n’est pas du tout pointé du doigt dans ce spot. C’est hallucinant de démagogie et de mauvaise foi.

De là à en conclure qu’il vaut mieux griller une priorité que de rouler « un peu trop vite » il n’y a qu’un pas que ce spot franchi avec un aplomb incroyable.

« Papa va freiner très très fort et on va s’en sortir » : en prime, on insulte l’ABS ! Il est fort probable que la Citroën C5 grise en était équipée mais pour les besoin du film, on l’a déconnecté pour faire « plus vrai » et plus flippant. Alors que dans la vraie vie, il aurait peut-être (je dis bien peut-être) pu permettre au père d’éviter la Ford Clipper de celui qui est le seul et unique responsable de l’accident.

Trop vite ou peu trop vite ?

Selon la prévention routière « ces cinq spots jouent sur la multiplicité de situations rencontrées sur la route, pour lesquelles la vitesse est un facteur d’accident : un conducteur roule trop vite, se pensant à l’abri du danger, mais c’est sans prévoir qu’une petite fille va traverser, qu’un poids lourd va perdre sa cargaison, que le monospace en face ne serre pas assez son virage…« 

Le discours change… On ne parle plus ici de rouler « un peu trop vite » mais « trop vite ». On pourrait avoir des chiffres ? 75 km/h pour 70, c’est un peu ou c’est trop vite ?

Faites attention au poids lourd devant vous… et à celui derrière… Attention à chaque virage que vous allez prendre… Avec un tel discours angoissant, qui nous demande d’être ultra attentif à tout instant, on a plus envie de rester à la maison que de prendre sa voiture. Ha zut, ce n’est pas une bonne idée non plus : « chaque année en France, environ 11.500 personnes décèdent suite à un accident de la vie courante dont 230 enfants. Soit 32 décès domestiques par jour et 1.3 par heure. « 

Pour mémoire, « selon le dernier bilan de la Sécurité routière, 3 268 personnes ont perdu la vie en 2013 sur les routes françaises, contre 3 653 en 2012 (- 10,5 %). Ainsi, 385 vies ont été épargnées en 2013. »

Au passage, profitons-en pour saluer la non prise en considération des progrès considérables réalisés par les voitures en matière de sécurité active et passive quand il s’agit d’expliquer la forte baisse de mortalité en matière de sécurité routière.

Mise à jour suite aux commentaires de Jérome (voir plus bas) : https://www.agenda-automobile.com/securite-routiere-essai-de-la-4l-radars-sarkozy-cisr/

Une très mauvaise copie !

« Découvrez notre nouveau film inspiré de « Mistakes », la campagne néo-zélandaise.  » Attendez, on plaisante là ??? C’est à partir de ce très bon film où le conducteur A arrive à 110 km/h (là c’est un peu trop vite ou c’est trop vite ???) et dans lequel le conducteur B qui grille la priorité s’excuse que vous avez pondu cette horreur ? C’est une plaisanterie ?

Conclusion :

C’est aussi avec de tels discours que l’on entendra un jour un avocat dire, devant un juge « mon client, le pauvre, a juste grillé la priorité à ce malade qui arrivait, selon les experts, à 95 km/h au lieu de 90 sur une route déserte, droite et sèche. » On marche sur la tête.

Mise à jour 29/07/14 : lisez l’article de La Provence.com sur le sujet.

(Par contre, cette campagne là, elle est très intelligente : )

Philippe HORTAIL