De quel droit ? La garde à vue… suite !

Après un article sur « LE CONTENU DES DROITS DE L’AUTOMOBILISTE GARDE A VUE« , voici donc venu le temps de nous consacrer au dernier volet de ce dossier relatif à la garde à vue des automobilistes. Il s’agit désormais d’appréhender concrètement, en fonction des différents types de procédure qui peuvent être utilisés, à quel moment et comment faire valoir ses droits lorsque ceux-ci n’ont pas été respectés par l’officier de police judiciaire.

II- LA MISE EN ŒUVRE DES DROITS DE L’AUTOMOBILISTE GARDE A VUE

A l’issue de la garde à vue :

Le procureur de la République ou l’un de ses substituts décidera des suites à donner à l’affaire (nous excluons ici le cas où le ministère public fait le choix –rare – de désigner un juge d’instruction parce-que l’affaire concerne un cas particulièrement grave).

– Si le parquet décide de saisir la juridiction de proximité :

Le tribunal de police ou le tribunal correctionnel selon qu’il s’agisse d’une contravention ou d’un délit, l’automobiliste poursuivi, que l’on appelle à ce stade de la procédure le prévenu, pourra faire valoir ses droits par l’intermédiaire de son avocat qui déposera dès le début de l’audience des conclusions de nullité (les conclusions correspondent à un argumentaire écrit qui n’obéit à aucune règle de forme, il suffit d’être clairement identifié).

Précisons toutefois que l’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire même si elle est recommandée. Il faut savoir que même lorsqu’une exception de nullité relative à la garde à vue est reconnue par le tribunal, celle-ci n’emporte pas systématiquement la nullité de l’ensemble de la procédure.

Ce ne sera le cas que si l’avocat du prévenu démontre que les actes subséquents, dont l’acte qui saisit la juridiction de jugement, ont pour support nécessaire la garde à vue annulée.

Ainsi, en matière de conduite sous l’influence d’alcool pour prendre cet exemple, il n’est pas rare de voir les tribunaux tenter de « sauver » la procédure en requalifiant le délit de conduite sous l’empire d’un état alcoolique qui suppose la constatation d’une concentration d’alcool dans le sang égale ou supérieur à 0,8 g, en délit de conduite en état d’ivresse manifeste, infractions punies à titre principal, hors cas de récidive, de deux ans d’emprisonnement et de 4500 euros d’amende (article L234-1 du code de la route). La constatation d’un taux égal où supérieur à 0,8 g dans le sang étant par hypothèse impossible par l’effet de l’annulation de la garde à vue, le tribunal pourra en effet essayer de s’appuyer sur le procès-verbal d’interpellation, lequel est antérieur à la garde à vue, pour requalifier l’infraction. Mais cette requalification est soumise à deux conditions : 1. le procès-verbal d’interpellation doit être suffisamment explicite pour que l’état d’ivresse manifeste soit caractérisé (yeux rouges, démarche titubante, propos incohérents, haleine imprégnée d’alcool). 2. L’automobiliste doit avoir été mis en mesure de s’expliquer sur cette nouvelle qualification, faute de quoi les droits de la défense n’auront pas été respectés.

Si le parquet choisit la procédure dite de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) également connue sous le nom du « plaider coupable » qui suppose que l’automobiliste reconnaisse l’infraction :

Dans ce cas, c’est le procureur de la République qui prononcera la peine, peine qui est censée être inférieure à celle qui aurait été prononcée par le tribunal compétent à l’issue du procès. Ce cadre procédural privilégie la rapidité de traitement des affaires pénales simples mais ne permet pas de soulever des nullités de procédure. Il se peut pour autant que la garde à vue soit viciée.

Dans ce cas, et si le vice est susceptible d’entraîner l’annulation des poursuites, l’automobiliste pourra faire le choix, sur les conseils de son avocat, de refuser la procédure de CRPC pour préférer soulever devant le tribunal qui sera ultérieurement saisi par le parquet les exceptions de nullité affectant la mesure de garde à vue.

– Si le parquet choisit de recourir à la procédure simplifiée dite de l’ordonnance pénale :

C’est une hypothèse de plus en plus fréquente, où la sanction est prononcée en l’absence de l’intéressé qui n’est informé de la peine qu’après que celle-ci a été prononcée. Lorsque l’ordonnance lui a été notifiée, il dispose de la faculté – lui-même ou par l’intermédiaire de son avocat – de faire opposition pour faire valoir ses droits dans un délai de trente jours ou de quarante cinq jours selon qu’il s’agit d’une contravention ou d’un délit en se déplaçant au greffe de la juridiction qui a rendu la décision.

En cas d’opposition, la juridiction compétente est alors saisie (la juridiction de proximité, le tribunal de police ou le tribunal correctionnel) et la nullité de la garde à vue pourra alors être soulevée dans le cadre de conclusions écrites déposées et soutenues avant toute défense au fond.

Les justiciables qui se défendent sans avocat ignorent souvent que quel que soit le type de procédure, il est important de déposer et de faire viser par le greffier, lorsque l’affaire est appelée, des conclusions écrites tendant à ce que la procédure soit annulée. A défaut, la juridiction n’est pas tenue d’y répondre…

Jean-Charles Teissedre

Avocat à la Cour

Membre de la commission juridique de 40 Millions d’Automobilistes

avocat.sport.cars@gmail.com