La responsabilité des contrôleurs techniques

Suivant les recommandations de la Directive Européenne du 29 décembre 1976, la France a rendu obligatoire le contrôle technique des véhicules dont le poids total autorisé en charge n’excède pas 3,5 tonnes par un Décret n°91-369 en date du 15 avril 1991, complété par un arrêté du 18 juin 1991 fixant notamment les nombreux points de contrôle des véhicules concernés.

Ces points de contrôle sont aujourd’hui plus d’une centaine alors même que le contrôle technique n’est pas obligatoire pour tous les véhicules en circulation. Ainsi, les véhicules disposant d’un certificat d’immatriculation « collection » ne sont pas soumis à un contrôle technique, les véhicules de transport en commun répondent à des dispositions spécifiques, de même que les véhicules poids lourd, tandis que les cyclomoteurs ne sont tout bonnement soumis à aucun contrôle technique.

Sur ce dernier point, les avis divergent pourtant si bien qu’une proposition de loi a été déposée sur le bureau de l’assemblée nationale le 5 décembre 2007 qui visait à rendre obligatoire un contrôle technique pour les cyclomoteurs, motocyclettes et dérivés.

Cette proposition plaidait en faveur de l’ajout d’un article au code de la route, lequel imposerait enfin aux conducteurs de deux-roues motorisés les obligations des conducteurs de véhicules légers en matière de contrôle technique.

Sous couvert de sécurité routière et en s’appuyant sur des statistiques relativement probantes, cette proposition n’a pourtant jamais donné lieu à un quelconque aboutissement, malgré de nombreuses annonces relayées notamment par la presse automobile, échec dont les motards se sont en grande majorité réjouis.

La seule lecture de l’article R. 323-22 du Code de la route permet de comprendre que le but premier du contrôle technique est d’assurer aux acquéreurs de véhicules d’occasions qu’ils deviennent propriétaire d’un véhicule fiable et conforme aux normes en vigueur.

Toutefois, les conditions dans lesquelles sont exercés les contrôles techniques des véhicules légers posent certains problèmes quant à la responsabilité des contrôleurs.

 

LA RESPONSABILITE DU CONTROLEUR TECHNIQUE EN CAS D’ACCIDENT DE LA CIRCULATION POSTERIEUR AU CONTROLE

Le Code de la route rend obligatoire le contrôle technique des véhicules légers (voitures particulières et camionnettes) neufs dans les six mois précédant le quatrième anniversaire de la première mise en circulation, tous les deux ans concernant les véhicules d’occasion (article R. 323-22).

Ce contrôle est également obligatoire avant toute cession de ces véhicules, sauf pour ceux ayant subi le dernier contrôle moins de six mois avant la demande d’une nouvelle carte grise.

Le contrôle technique est en principe établi aux frais du propriétaire, bien qu’il soit possible sur ce point dans l’hypothèse d’une vente que cédant et cessionnaire se partagent les frais.

C’est précisément dans l’hypothèse d’une cession que des contentieux peuvent surgir, lorsque des désordres apparaissent malgré la récente exécution d’un contrôle technique par le vendeur avant la cession.

La cour d’appel de Montpellier s’est efforcée de définir la mission des centres de contrôle, dans un arrêt du 7 décembre 2004 (RG n°03/05890) : selon cette décision, le contrôleur « n’a pas une mission d’expert ou de diagnostic envers le client qui s’adresse à lui, ni une mission de réparateur ; le contrôle technique est une mission de service public déléguée par l’Etat à des organismes privés chargés d’effectuer des opérations identiques, simples et rapides, portant sur des points limitativement définis par instruction ministérielle, sans possibilité de faire des commentaires ou de prodiguer des conseils »

Le principe de la responsabilité des centres de contrôle

Les centres agréés de contrôle technique sont liés à leurs clients par un contrat.

L’acquéreur d’un véhicule qui a subi un contrôle technique à l’initiative du vendeur n’est toutefois pas personnellement lié au contrôleur.

En conséquence, la responsabilité du contrôleur peut être engagée sur deux fondements distincts selon que c’est le propriétaire du véhicule qui agit ou l’acquéreur d’un véhicule dont le contrôle a été effectué à l’initiative du vendeur avant la cession.

Il s’agira tantôt de la responsabilité civile contractuelle eu égard à l’obligation de moyen des contrôleurs (article 1147 du Code civil) tantôt de la responsabilité civile délictuelle (article 1383 du Code civil).

Il est en effet de jurisprudence constante que les contrôleurs techniques de véhicules automobiles engagent leur responsabilité à raison d’une part des missions qui sont les leurs et qui sont développées dans l’arrêté du 18 juin 1991 et, d’autre part, en dehors de ces missions, à raison d’une négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule contrôlé et, partant, celle de son conducteur (en ce sens : Cass. Civ. 1ère, 19 octobre 2004, n°01-13956 : « La mission d’un centre de contrôle technique se bornant, en l’état de l’arrêté du 18 juin 1991, à la vérification, sans démontage du véhicule, d’un certain nombre de points limitativement énumérés par ce texte, sa responsabilité ne peut être engagée en dehors de cette mission ainsi restreinte, qu’en cas de négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule »).

Les missions des contrôleurs techniques sont en effet limitativement énumérées, principalement d’abord parce que le contrôle s’effectue sans démontage, ensuite parce que les points à contrôler sont strictement délimités par les dispositions règlementaires en vigueur, d’ailleurs régulièrement complétées (en ce sens : Cass. Civ. 1ère, 21 juin 2005, n°02-19222 : « La mission des centres de contrôle technique se limite, eu égard aux dispositions qui les régissent, à la détection de défaillances en des points définis »).

Il n’existe aucune présomption de responsabilité opposable aux contrôleurs, il s’agit donc, autant en matière de responsabilité contractuelle que délictuelle, de prouver que le contrôleur a commis une faute dans l’exercice de sa mission.

La délicate question de la faute

Les juridictions ont eu de nombreuses occasions de se prononcer sur le point de l’étendue de la mission des centres de contrôle technique et leur responsabilité.

Pour que la responsabilité des centres de contrôle puisse être engagée, il s’agit de démontrer que les défauts apparus à la suite du contrôle étaient visibles lors du contrôle et qu’ils auraient dû apparaitre sur le procès-verbal de contrôle.

La difficulté réside dans le fait que le contrôle technique est un examen relativement sommaire s’effectuant sans démontage du véhicule, via le simple examen visuel de ce dernier accompagné de manœuvres spécifiques, par exemple lorsque le contrôleur soumet le véhicule à des accélérations fortes et continues en vue de contrôler son niveau de pollution.

Ainsi, dans un arrêt en date du 20 juin 2006 (JurisData n°2006-326616), la Cour d’appel de Montpellier a jugé que :

« Les opérations de contrôle technique des automobiles ont pour objet de déceler sur un véhicule d’éventuelles défectuosités de l’état ou du fonctionnement des principaux organes susceptibles de compromettre sa sécurité.

Selon l’arrêté du 18 juin 1991 le contrôleur technique n’est tenu de mentionner sur le procès-verbal que les défauts qu’il peut déceler visuellement et sans procéder à un quelconque démontage lors de la vérification d’un certain nombre de points limitativement énumérés par ce texte.

Au cas particulier si les opérations d’expertise amiable ont révélé que le véhicule en litige présentait une fissuration du longeron avant droit au niveau de la fixation inférieure du moteur, les experts soulignent que le réparateur a pris soin de réaliser sa réparation en la camouflant par du mastic polyester, la présence de souillure sur l’élément achevant de la rendre indécelable par simple contrôle visuel, et que la découverte de la fissure n’a été permise qu’après grattage du mastic de camouflage.

Dans ces conditions, la responsabilité [du centre de contrôle technique] ne peut être engagée ».

Tel n’est pas le cas lorsque le défaut pouvait être détecté visuellement par le contrôleur technique (en ce sens, pour le cas d’une oxydation de la coque de la voiture : CA Lyon, 11 avril 1991).

Seuls les désordres qui étaient visibles au jour du contrôle peuvent être la base de la mise en jeu de la responsabilité du contrôleur, lequel n’est pas tenu à un examen approfondi du véhicule.

Toutefois, le contrôleur qui ne retranscrit pas sur le PV les désordres qu’il constate, qui en omet certains ou qui, d’un commun accord avec le vendeur, omet volontairement de mentionner certains défauts sur le procès-verbal afin de faciliter la vente du véhicule, engage bien évidemment sa responsabilité.

Dans le cas où il peut être prouvé que le vendeur du véhicule et le contrôleur ont volontairement décidé de ne pas faire figurer des défauts sur le procès-verbal de contrôle, leur responsabilité solidaire pourra être retenue.

La responsabilité des centres de contrôles techniques est majoritairement pécuniaire, elle visera notamment le remboursement des frais engagés pour les réparations effectuées suite à un accident, les frais occasionnés par la location d’un nouveau véhicule ou encore les frais de gardiennage du véhicule endommagé.

LE CAS PARTICULIER DES VICES CACHES

Les vices cachés sont les vices affectant un bien, non décelables au jour de la cession par l’acquéreur, dont le vendeur est garant et qui rendent le bien impropre à sa destination ou qui amputent tellement son usage que si l’acquéreur en avait préalablement eu connaissance il ne l’aurait pas acquise (article 1641 et suivants du Code civil).

Or, par définition, la mission du contrôleur technique visant à constater des vices apparents lors de la visite, aucun vice caché n’est ainsi susceptible d’être mentionné sur le procès-verbal de contrôle technique si le contrôleur s’en tient à sa mission.

En effet, il est de jurisprudence constante que les désordres mentionnés sur le procès-verbal de contrôle sont considérés comme étant des désordres apparents au sens de l’article 1642 du Code civil et dont le vendeur n’est pas tenu puisque le procès-verbal de contrôle technique sur lequel ils apparaissent est fourni à l’acheteur lors de la vente ; ce dernier ne saurait donc arguer du fait qu’il n’a pas pris connaissance de ce procès-verbal.

Bien entendu, si le contrôleur technique a omis de mentionner un certain nombre d’anomalies sur le procès-verbal alors pourtant que ces anomalies entraient dans le cadre de sa mission le vice pourra être considéré comme caché et le vendeur responsable pourra alors se retourner contre le contrôleur technique qui n’aura pas fait correctement son travail.

Si, toutefois, les désordres dont se plaint l’acquéreur du véhicule revêtent la qualification de vices cachés, en ce qu’ils étaient impossibles à déceler pour le contrôleur technique, alors le régime commun des articles 1641 et suivants du Code civil s’applique et la responsabilité du vendeur du véhicule est susceptible d’être engagée sur le fondement de ces articles.

Remarquons enfin que si la vente concerne un acquéreur particulier et un vendeur professionnel, l’acquéreur pourra agir contre le vendeur professionnel sur le fondement des articles L211-4 et suivants du Code de la consommation dont les dispositions sont beaucoup plus favorables aux acheteurs profanes que les règles issues du Code civil.

 

Jean-Charles Teissedre

Avocat au barreau de Montpellier

www.teissedre-avocats.com