De quel droit ? La garde à vue des conducteurs !

Comme promis, voici le premier volet du dossier consacré aux droits des automobilistes en garde à vue. La semaine dernière je vous faisais part du fait qu’il s’agissait d’un dossier brûlant. Je ne croyais pas si bien dire puisque dès le lendemain de la mise en ligne de l’édito, la chambre criminelle de la Cour de cassation, statuant en formation plénière, déclarait solennellement dans trois arrêts exceptionnels du 19 octobre 2010 que certaines règles actuelles ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme telles qu’interprétées par la Cour européenne.


Ce n’est pas rien.

L’institution de la garde à vue n’est donc pas à l’honneur cette année : le conseil constitutionnel cet été (décision du 30 juillet 2010), la Cour Européenne des Droits de l’Homme il y a quelques jours à peine (Arrêt Brusco/France du 14 octobre 2010), et, désormais, la Cour de cassation, tous condamnent le dispositif de garde à vue à la française.

Or, ce dispositif concerne très largement les automobilistes puisqu’en 2009, environ 250.000 euros garde à vue « routières » ont été recensées!

C’est d’ailleurs notamment à partir du constat stigmatisant le caractère excessif du nombre de gardes à vue que le Conseil Constitutionnel a assis sa condamnation.

Cela veut-il dire que les automobilistes qui ont connu ou vont connaître la joie de passer un trop long moment dans le confort douillet d’un commissariat ou d’une gendarmerie pour des infractions au code de la route aux conséquences mineures (excluons bien entendu les cas où des dommages corporels sont à déplorer) vont pouvoir demander l’annulation de la mesure et pourquoi pas de la procédure toute entière ? Pas si sûr.

En effet, conscients des conséquences judiciaires de leurs décisions, tant le Conseil constitutionnel que la Cour de cassation ont accordé au dispositif actuel et au législateur un sursis. Ainsi, les nouvelles règles de garde à vue, pour l’heure toujours à l’état de projet de loi, ne devront être effectives, au plus tard, que le 1er juillet 2011.

Pour autant, il est permis de se demander quelle est la crédibilité et plus encore la validité d’un dispositif dont les plus hautes juridictions ont solennellement proclamé l’irrégularité. En effet, comment peut-on dire d’un côté que le dispositif ne respecte pas les exigences européennes et constitutionnelles et de le l’autre user d’un gadget juridique dans le but de sauvegarder pendant un an une institution plus que vacillante ?

Il semble en tout état de cause à présent acquis que le placement en garde à vue consécutif à la commission d’infractions – sans conséquences – au code de la route soit excessif. C’est la raison pour laquelle les excès de zèle consistant à placer en garde à vue à tort et à travers des automobilistes est sur le principe plus que jamais contestable y compris désormais sur le plan judiciaire !

Mais d’ici à ce que le législateur parvienne à faire adopter par le parlement une loi qui satisfasse les intérêts antagonistes en présence, mieux vaut, parce-que l’automobiliste n’est jamais à l’abri d’avoir à affronter l’épreuve qu’est la garde-à-vue, que les lecteurs de Sport-Cars connaissent leurs droits.

LE CONTENU DES DROITS DE L’AUTOMOBILISTE GARDE A VUE

Ce sont les articles 63 à 63-4 du code de procédure pénale qui énumèrent les droits du gardé à vue s’agissant des infractions de droit commun dont les infractions au code de la route font partie.

L’automobiliste gardé à vue a droit :

A ce que son placement en garde à vue ne dure pas plus de 24 heures.

– A ce qu’on l’informe immédiatement de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête.

– A ce qu’on lui notifie immédiatement les droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 du code de procédure pénale.

– A faire prévenir, immédiatement après la notification de la mesure de garde à vue, une personne avec laquelle il vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe,

– A s’entretenir avec un avocat dès le début de la mesure de garde à vue


Reprenons plus en détails :

A ce que son placement en garde à vue ne dure pas plus de 24 heures.

La mesure pouvant être renouvelée par le procureur de la République pour 24 heures supplémentaires. Nous regretterons ici que la condition de fond posée à l’article 63 du code de procédure pénale tenant aux « nécessités de l’enquête » ne relève que d’un contrôle fonctionnel du magistrat de l’instruction ou du parquet et non pas d’un contrôle juridictionnel, ce qui signifie que c’est l’officier de police judiciaire et lui seul qui décide du placement en garde à vue (Cass. Crim. 4 janv. 2005, Bull. Crim. n°3).

C’est sans doute ce qui explique en partie que tant d’automobilistes aient été abusivement placés en garde à vue en matière d’infraction au code de la route qui ne supposent que des vérifications sommaires.

Imposer une mesure aussi contraignante pour des infractions bien souvent relativement mineures en particulier lorsqu’elles n’ont causé aucun dommage aux biens ou aux personnes apparaît dès lors disproportionné, surtout si l’on considère la vétusté des locaux et les conditions d’hygiène dans lesquelles les personnes sont gardées à vue.

– A ce qu’on l’informe immédiatement de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête.

Il s’agit là également d’une exigence européenne (CEDH, Füsun Erdogan et autres c/ Turquie, 30 juin 2009, n°16234/04 ; 16 juin 2009, n°43526/02, Aytan et Ömer Polat c/ Turquie). Ainsi, selon nous, le simple fait d’indiquer sur procès verbal « infraction au code de la route » serait insuffisant et susceptible de vicier la garde à vue (voir pour la mention « ILS », Cass. Crim. 10 mars 2009, n°09-81.948).

– A ce qu’on lui notifie immédiatement les droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 du code de procédure pénale.

Ces droits doivent être notifiés dans une langue que l’automobiliste comprend. S’il ne comprend pas le français, il a droit à un interprète qui doit, sauf circonstances exceptionnelles mentionnées sur procès-verbal, se déplacer dans les locaux de garde-à-vue et ce à peine de nullité (Cass. 1ère Civ. 12 mai 2010, Dr. pénal, septembre 2010, page 58).

Tout retard dans la mise en œuvre des droits précités non justifié par une circonstance insurmontable porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’automobiliste qui n’a donc pas à faire la démonstration d’un grief pour demander la nullité de la mesure de garde à vue (Cass. Crim. 2 mai 2002, pourvoi n°01-88.453 ; 30 avril 1996, Bull. Crim. n°182) ; quand bien même il n’aurait été procédé à aucune audition entre le moment du placement en garde à vue et la notification des droits.

Il suffit que l’automobiliste soit, sous la contrainte, à la disposition de l’officier de police judiciaire pour que celui-ci doive être considéré comme placé en garde à vue. C’est donc ce moment qui constitue le point de départ à partir duquel s’apprécie l’éventuelle tardiveté de la notification des droits (pour un retard de deux heures sanctionné par la nullité – Cass. Crim. 31 mai 2007, Bull. Crim. n°146).

Le cas de l’automobiliste en état d’ébriété fait figure d’exception au grand principe de notification des droits dès le début de la mesure de garde à vue. Dans cette hypothèse, la notification des droits à l’individu en état d’ébriété peut être, à certaines conditions, différée (pour une notification des droits intervenue 8 heures après le début de la mesure de garde à vue : Cass. Crim. 3 avr. 1995, Bull. Crim. n°140).

La jurisprudence considère ainsi que l’alcoolisation de l’automobiliste peut constituer une circonstance insurmontable au sens de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Encore faut-il que l’ivresse soit suffisamment importante et caractérisée pour que la dérogation au principe soit admise.

Prenons l’exemple d’un dépistage d’alcoolémie qui aurait révélé, à 2h15 du matin, un taux de 0,48 milligramme par litre d’air expiré. Si la notification des droits intervient à 9h40 alors qu’un examen médical avait révélé à 4h15 une haleine sentant l’alcool sans qu’aucun des autres signes de l’ivresse ni incapacité à comprendre ou à s’exprimer ne soit constatée, alors, la nullité s’impose. C’est ce qu’a jugé la Cour d’appel de Pau dans un arrêt du 16 octobre 2008 (JurisData n°2008-376088).

En effet, la notification doit dans ce cas être considérée comme tardive puisqu’elle est intervenue environ 7h30 après le placement en garde à vue et que le principe doit rester celui de la notification des droits dès que l’automobiliste a été placé sous la contrainte à la disposition de l’officier de police judiciaire.

– A faire prévenir, immédiatement après la notification de la mesure de garde à vue, une personne avec laquelle il vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et sœurs ou son employeur, de la mesure dont il est l’objet. C’est l’officier de police judiciaire ou un agent par lui délégué qui effectue la communication téléphonique, en aucun cas la personne gardée à vue.

– A être examiné par un médecin dès le début de la mesure de garde à vue. Le médecin devra établir un certificat médical par lequel il se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue, certificat qui est versé au dossier. Bien que le cas d’une prolongation doive être circonscrit à des situations exceptionnelles, précisons que l’examen médical peut être demandé une seconde fois lors du renouvellement.

La nullité d’un défaut dans la mise en forme procédurale d’un examen médical n’est sanctionnée par la nullité de la garde à vue que si l’automobiliste parvient à démontrer un grief. En revanche, le défaut d’examen médical, comme la poursuite d’une garde à vue malgré incompatibilité médicale constatée sont sanctionnés d’une nullité de plein droit.

– A s’entretenir avec un avocat dès le début de la mesure de garde à vue. En pratique, il n’est pas rare que l’audition du gardé à vue commence, pour des raisons pratiques ou d’opportunité, avant que l’avocat ne s’entretienne avec l’intéressé. Les aveux qui pourraient être recueillis dans ce cadre seraient alors susceptibles d’annulation puisque le droit de garder le silence et de ne pas participer à sa propre incrimination fait partie des droits conventionnellement mais aussi constitutionnellement garantis. C’est d’ailleurs sur ce fondement que le dispositif français a récemment été condamné par le conseil constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010, par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans son arrêt Brusco/France du 14 octobre 2010 puis par la Cour de cassation dans ses trois arrêts du 19 octobre dernier.

Jean-Charles Teissedre

Avocat à la Cour

Membre de la commission juridique de 40 Millions d’Automobilistes

avocat.sport.cars@gmail.com

 

 

 

 

Comme promis, voici le premier volet du dossier consacré aux droits des automobilistes en garde à vue. La semaine dernière je vous faisais part du fait qu’il s’agissait d’un dossier brûlant. Je ne croyais pas si bien dire puisque dès le lendemain de la mise en ligne de l’édito, la chambre criminelle de la Cour de cassation, statuant en formation plénière, déclarait solennellement dans trois arrêts exceptionnels du 19 octobre 2010 que certaines règles actuelles ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme telles qu’interprétées par la Cour européenne.

Ce n’est pas rien.

L’institution de la garde à vue n’est donc pas à l’honneur cette année : le conseil constitutionnel cet été (décision du 30 juillet 2010),  la Cour Européenne des Droits de l’Homme il y a quelques jours à peine (Arrêt Brusco/France du 14 octobre 2010), et, désormais, la Cour de cassation, tous condamnent le dispositif de garde à vue à la française.

Or, ce dispositif concerne très largement les automobilistes puisqu’en 2009, environ 250.000 euros garde à vue « routières » ont été recensées!

C’est d’ailleurs notamment à partir du constat stigmatisant le caractère excessif du nombre de gardes à vue que le Conseil Constitutionnel a assis sa condamnation.

Cela veut-il dire que les automobilistes qui ont connu ou vont connaître la joie de passer un trop long moment dans le confort douillet d’un commissariat ou d’une gendarmerie pour des infractions au code de la route aux conséquences mineures (excluons bien entendu les cas où des dommages corporels sont à déplorer) vont pouvoir demander l’annulation de la mesure et pourquoi pas de la procédure toute entière ?

Pas si sûr.

En effet, conscients des conséquences judiciaires de leurs décisions, tant le Conseil constitutionnel que la Cour de cassation ont accordé au dispositif actuel et au législateur un sursis. Ainsi, les nouvelles règles de garde à vue, pour l’heure toujours à l’état de projet de loi, ne devront être effectives, au plus tard, que le 1er juillet 2011.

Pour autant, il est permis de se demander quelle est la crédibilité et plus encore la validité d’un dispositif dont les plus hautes juridictions ont solennellement proclamé l’irrégularité. En effet, comment peut-on dire d’un côté que le dispositif ne respecte pas les exigences européennes et constitutionnelles et de le l’autre user d’un gadget juridique dans le but de sauvegarder pendant un an une institution plus que vacillante ?

Il semble en tout état de cause à présent acquis que le placement en garde à vue consécutif à la commission d’infractions – sans conséquences – au code de la route soit excessif. C’est la raison pour laquelle les excès de zèle consistant à placer en garde à vue à tort et à travers des automobilistes est sur le principe plus que jamais contestable y compris désormais sur le plan judiciaire !

Mais d’ici à ce que le législateur parvienne à faire adopter par le parlement une loi qui satisfasse les intérêts antagonistes en présence, mieux vaut, parce-que l’automobiliste n’est jamais à l’abri d’avoir à affronter l’épreuve qu’est la garde-à-vue, que les lecteurs de Sport-Cars connaissent leurs droits.

 

I – LE CONTENU DES DROITS DE L’AUTOMOBILISTE GARDE A VUE

 

Ce sont les articles 63 à 63-4 du code de procédure pénale qui énumèrent les droits du gardé à vue s’agissant des infractions de droit commun dont les infractions au code de la route font partie.

L’automobiliste gardé à vue a droit :

A ce que son placement en garde à vue ne dure pas plus de 24 heures, la mesure pouvant être renouvelée par le procureur de la République pour 24 heures supplémentaires.

Nous regretterons ici que la condition de fond posée à l’article 63 du code de procédure pénale tenant aux « nécessités de l’enquête » ne relève que d’un contrôle fonctionnel du magistrat de l’instruction ou du parquet et non pas d’un contrôle juridictionnel, ce qui signifie que c’est l’officier de police judiciaire et lui seul qui décide du placement en garde à vue (Cass. Crim. 4 janv. 2005, Bull. Crim. n°3).

C’est sans doute ce qui explique en partie que tant d’automobilistes aient été abusivement placés en garde à vue en matière d’infraction au code de la route qui ne supposent que des vérifications sommaires.

Imposer une mesure aussi contraignante pour des infractions bien souvent relativement mineures en particulier lorsqu’elles n’ont causé aucun dommage aux biens ou aux personnes apparaît dès lors disproportionné, surtout si l’on considère la vétusté des locaux et les conditions d’hygiène dans lesquelles les personnes sont gardées à vue.

A ce qu’on l’informe immédiatement de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête. Il s’agit là également d’une exigence européenne (CEDH, Füsun Erdogan et autres c/ Turquie, 30 juin 2009, n°16234/04 ; 16 juin 2009, n°43526/02, Aytan et Ömer Polat c/ Turquie). Ainsi, selon nous, le simple fait d’indiquer sur procès verbal « infraction au code de la route » serait insuffisant et susceptible de vicier la garde à vue (voir pour la mention « ILS », Cass. Crim. 10 mars 2009, n°09-81.948).

A ce qu’on lui notifie immédiatement les droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 du code de procédure pénale.

Ces droits doivent être notifiés dans une langue que l’automobiliste comprend. S’il ne comprend pas le français, il a droit à un interprète qui doit, sauf circonstances exceptionnelles mentionnées sur procès-verbal, se déplacer dans les locaux de garde-à-vue et ce à peine de nullité (Cass. 1ère Civ. 12 mai 2010, Dr. pénal, septembre 2010, page 58).

Tout retard dans la mise en œuvre des droits précités non justifié par une circonstance insurmontable porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’automobiliste qui n’a donc pas à faire la démonstration d’un grief pour demander la nullité de la mesure de garde à vue (Cass. Crim. 2 mai 2002, pourvoi n°01-88.453 ; 30 avril 1996, Bull. Crim. n°182) ; quand bien même il n’aurait été procédé à aucune audition entre le moment du placement en garde à vue et la notification des droits.

Il suffit que l’automobiliste soit, sous la contrainte, à la disposition de l’officier de police judiciaire pour que celui-ci doive être considéré comme placé en garde à vue. C’est donc ce moment qui constitue le point de départ à partir duquel s’apprécie l’éventuelle tardiveté de la notification des droits (pour un retard de deux heures sanctionné par la nullité – Cass. Crim. 31 mai 2007, Bull. Crim. n°146).

Le cas de l’automobiliste en état d’ébriété fait figure d’exception au grand principe de notification des droits dès le début de la mesure de garde à vue.

Dans cette hypothèse, la notification des droits à l’individu en état d’ébriété peut être, à certaines conditions, différée (pour une notification des droits intervenue 8 heures après le début de la mesure de garde à vue : Cass. Crim. 3 avr. 1995, Bull. Crim. n°140).

La jurisprudence considère ainsi que l’alcoolisation de l’automobiliste peut constituer une circonstance insurmontable au sens de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Encore faut-il que l’ivresse soit suffisamment importante et caractérisée pour que la dérogation au principe soit admise.

Prenons l’exemple d’un dépistage d’alcoolémie qui aurait révélé, à 2h15 du matin, un taux de 0,48 milligramme par litre d’air expiré. Si la notification des droits intervient à 9h40 alors qu’un examen médical avait révélé à 4h15 une haleine sentant l’alcool sans qu’aucun des autres signes de l’ivresse ni incapacité à comprendre ou à s’exprimer ne soit constatée, alors, la nullité s’impose. C’est  ce qu’a jugé la Cour d’appel de Pau dans un arrêt du 16 octobre 2008 (JurisData n°2008-376088).

En effet, la notification doit dans ce cas être considérée comme tardive puisqu’elle est intervenue environ 7h30 après le placement en garde à vue et que le principe doit rester celui de la notification des droits dès que l’automobiliste a été placé sous la contrainte à la disposition de l’officier de police judiciaire.

A faire prévenir, immédiatement après la notification de la mesure de garde à vue, une personne avec laquelle il vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et sœurs ou son employeur, de la mesure dont il est l’objet. C’est l’officier de police judiciaire ou un agent par lui délégué qui effectue la communication téléphonique, en aucun cas la personne gardée à vue.

A être examiné par un médecin dès le début de la mesure de garde à vue. Le médecin devra établir un certificat médical par lequel il se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue, certificat qui est versé au dossier. Bien que le cas d’une prolongation doive être circonscrit à des situations exceptionnelles, précisons que l’examen médical peut être demandé une seconde fois lors du renouvellement.

La nullité d’un défaut dans la mise en forme procédurale d’un examen médical n’est sanctionnée par la nullité de la garde à vue que si l’automobiliste parvient à démontrer un grief. En revanche, le défaut d’examen médical, comme la poursuite d’une garde à vue malgré incompatibilité médicale constatée sont sanctionnés d’une nullité de plein droit.

A  s’entretenir avec un avocat dès le début de la mesure de garde à vue. En pratique, il n’est pas rare que l’audition du gardé à vue commence, pour des raisons pratiques ou d’opportunité, avant que l’avocat ne s’entretienne avec l’intéressé. Les aveux qui pourraient être recueillis dans ce cadre seraient alors susceptibles d’annulation puisque le droit de garder le silence et de ne pas participer à sa propre incrimination fait partie des droits conventionnellement mais aussi constitution

Comme promis, voici le premier volet du dossier consacré aux droits des automobilistes en garde à vue. La semaine dernière je vous faisais part du fait qu’il s’agissait d’un dossier brûlant. Je ne croyais pas si bien dire puisque dès le lendemain de la mise en ligne de l’édito, la chambre criminelle de la Cour de cassation, statuant en formation plénière, déclarait solennellement dans trois arrêts exceptionnels du 19 octobre 2010 que certaines règles actuelles ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme telles qu’interprétées par la Cour européenne.

Ce n’est pas rien.

L’institution de la garde à vue n’est donc pas à l’honneur cette année : le conseil constitutionnel cet été (décision du 30 juillet 2010), la Cour Européenne des Droits de l’Homme il y a quelques jours à peine (Arrêt Brusco/France du 14 octobre 2010), et, désormais, la Cour de cassation, tous condamnent le dispositif de garde à vue à la française.

Or, ce dispositif concerne très largement les automobilistes puisqu’en 2009, environ 250.000 euros garde à vue « routières » ont été recensées!

C’est d’ailleurs notamment à partir du constat stigmatisant le caractère excessif du nombre de gardes à vue que le Conseil Constitutionnel a assis sa condamnation.

Cela veut-il dire que les automobilistes qui ont connu ou vont connaître la joie de passer un trop long moment dans le confort douillet d’un commissariat ou d’une gendarmerie pour des infractions au code de la route aux conséquences mineures (excluons bien entendu les cas où des dommages corporels sont à déplorer) vont pouvoir demander l’annulation de la mesure et pourquoi pas de la procédure toute entière ?

Pas si sûr.

En effet, conscients des conséquences judiciaires de leurs décisions, tant le Conseil constitutionnel que la Cour de cassation ont accordé au dispositif actuel et au législateur un sursis. Ainsi, les nouvelles règles de garde à vue, pour l’heure toujours à l’état de projet de loi, ne devront être effectives, au plus tard, que le 1er juillet 2011.

Pour autant, il est permis de se demander quelle est la crédibilité et plus encore la validité d’un dispositif dont les plus hautes juridictions ont solennellement proclamé l’irrégularité. En effet, comment peut-on dire d’un côté que le dispositif ne respecte pas les exigences européennes et constitutionnelles et de le l’autre user d’un gadget juridique dans le but de sauvegarder pendant un an une institution plus que vacillante ?

Il semble en tout état de cause à présent acquis que le placement en garde à vue consécutif à la commission d’infractions – sans conséquences – au code de la route soit excessif. C’est la raison pour laquelle les excès de zèle consistant à placer en garde à vue à tort et à travers des automobilistes est sur le principe plus que jamais contestable y compris désormais sur le plan judiciaire !

Mais d’ici à ce que le législateur parvienne à faire adopter par le parlement une loi qui satisfasse les intérêts antagonistes en présence, mieux vaut, parce-que l’automobiliste n’est jamais à l’abri d’avoir à affronter l’épreuve qu’est la garde-à-vue, que les lecteurs de Sport-Cars connaissent leurs droits.

I – LE CONTENU DES DROITS DE L’AUTOMOBILISTE GARDE A VUE

Ce sont les articles 63 à 63-4 du code de procédure pénale qui énumèrent les droits du gardé à vue s’agissant des infractions de droit commun dont les infractions au code de la route font partie.

L’automobiliste gardé à vue a droit :

– A ce que son placement en garde à vue ne dure pas plus de 24 heures, la mesure pouvant être renouvelée par le procureur de la République pour 24 heures supplémentaires.

Nous regretterons ici que la condition de fond posée à l’article 63 du code de procédure pénale tenant aux « nécessités de l’enquête » ne relève que d’un contrôle fonctionnel du magistrat de l’instruction ou du parquet et non pas d’un contrôle juridictionnel, ce qui signifie que c’est l’officier de police judiciaire et lui seul qui décide du placement en garde à vue (Cass. Crim. 4 janv. 2005, Bull. Crim. n°3).

C’est sans doute ce qui explique en partie que tant d’automobilistes aient été abusivement placés en garde à vue en matière d’infraction au code de la route qui ne supposent que des vérifications sommaires.

Imposer une mesure aussi contraignante pour des infractions bien souvent relativement mineures en particulier lorsqu’elles n’ont causé aucun dommage aux biens ou aux personnes apparaît dès lors disproportionné, surtout si l’on considère la vétusté des locaux et les conditions d’hygiène dans lesquelles les personnes sont gardées à vue.

– A ce qu’on l’informe immédiatement de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête. Il s’agit là également d’une exigence européenne (CEDH, Füsun Erdogan et autres c/ Turquie, 30 juin 2009, n°16234/04 ; 16 juin 2009, n°43526/02, Aytan et Ömer Polat c/ Turquie). Ainsi, selon nous, le simple fait d’indiquer sur procès verbal « infraction au code de la route » serait insuffisant et susceptible de vicier la garde à vue (voir pour la mention « ILS », Cass. Crim. 10 mars 2009, n°09-81.948).

– A ce qu’on lui notifie immédiatement les droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 du code de procédure pénale.

Ces droits doivent être notifiés dans une langue que l’automobiliste comprend. S’il ne comprend pas le français, il a droit à un interprète qui doit, sauf circonstances exceptionnelles mentionnées sur procès-verbal, se déplacer dans les locaux de garde-à-vue et ce à peine de nullité (Cass. 1ère Civ. 12 mai 2010, Dr. pénal, septembre 2010, page 58).

Tout retard dans la mise en œuvre des droits précités non justifié par une circonstance insurmontable porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’automobiliste qui n’a donc pas à faire la démonstration d’un grief pour demander la nullité de la mesure de garde à vue (Cass. Crim. 2 mai 2002, pourvoi n°01-88.453 ; 30 avril 1996, Bull. Crim. n°182) ; quand bien même il n’aurait été procédé à aucune audition entre le moment du placement en garde à vue et la notification des droits.

Il suffit que l’automobiliste soit, sous la contrainte, à la disposition de l’officier de police judiciaire pour que celui-ci doive être considéré comme placé en garde à vue. C’est donc ce moment qui constitue le point de départ à partir duquel s’apprécie l’éventuelle tardiveté de la notification des droits (pour un retard de deux heures sanctionné par la nullité – Cass. Crim. 31 mai 2007, Bull. Crim. n°146).

Le cas de l’automobiliste en état d’ébriété fait figure d’exception au grand principe de notification des droits dès le début de la mesure de garde à vue.

Dans cette hypothèse, la notification des droits à l’individu en état d’ébriété peut être, à certaines conditions, différée (pour une notification des droits intervenue 8 heures après le début de la mesure de garde à vue : Cass. Crim. 3 avr. 1995, Bull. Crim. n°140).

La jurisprudence considère ainsi que l’alcoolisation de l’automobiliste peut constituer une circonstance insurmontable au sens de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Encore faut-il que l’ivresse soit suffisamment importante et caractérisée pour que la dérogation au principe soit admise.

Prenons l’exemple d’un dépistage d’alcoolémie qui aurait révélé, à 2h15 du matin, un taux de 0,48 milligramme par litre d’air expiré. Si la notification des droits intervient à 9h40 alors qu’un examen médical avait révélé à 4h15 une haleine sentant l’alcool sans qu’aucun des autres signes de l’ivresse ni incapacité à comprendre ou à s’exprimer ne soit constatée, alors, la nullité s’impose. C’est ce qu’a jugé la Cour d’appel de Pau dans un arrêt du 16 octobre 2008 (JurisData n°2008-376088).

En effet, la notification doit dans ce cas être considérée comme tardive puisqu’elle est intervenue environ 7h30 après le placement en garde à vue et que le principe doit rester celui de la notification des droits dès que l’automobiliste a été placé sous la contrainte à la disposition de l’officier de police judiciaire.

– A faire prévenir, immédiatement après la notification de la mesure de garde à vue, une personne avec laquelle il vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et sœurs ou son employeur, de la mesure dont il est l’objet. C’est l’officier de police judiciaire ou un agent par lui délégué qui effectue la communication téléphonique, en aucun cas la personne gardée à vue.

– A être examiné par un médecin dès le début de la mesure de garde à vue. Le médecin devra établir un certificat médical par lequel il se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue, certificat qui est versé au dossier. Bien que le cas d’une prolongation doive être circonscrit à des situations exceptionnelles, précisons que l’examen médical peut être demandé une seconde fois lors du renouvellement.

La nullité d’un défaut dans la mise en forme procédurale d’un examen médical n’est sanctionnée par la nullité de la garde à vue que si l’automobiliste parvient à démontrer un grief. En revanche, le défaut d’examen médical, comme la poursuite d’une garde à vue malgré incompatibilité médicale constatée sont sanctionnés d’une nullité de plein droit.

– A s’entretenir avec un avocat dès le début de la mesure de garde à vue. En pratique, il n’est pas rare que l’audition du gardé à vue commence, pour des raisons pratiques ou d’opportunité, avant que l’avocat ne s’entretienne avec l’intéressé. Les aveux qui pourraient être recueillis dans ce cadre seraient alors susceptibles d’annulation puisque le droit de garder le silence et de ne pas participer à sa propre incrimination fait partie des droits conventionnellement mais aussi constitutionnellement garantis. C’est d’ailleurs sur ce fondement que le dispositif français a récemment été condamné par le conseil constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010, par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans son arrêt Brusco/France du 14 octobre 2010 puis par la Cour de cassation dans ses trois arrêts du 19 octobre dernier.

Jean-Charles Teissedre

Avocat à la Cour

avocat.sport.cars@gmail.com

nellement garantis. C’est d’ailleurs sur ce fondement que le dispositif français a récemment été condamné par le conseil constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010, par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans son arrêt Brusco/France du 14 octobre 2010 puis par la Cour de cassation dans ses trois arrêts du 19 octobre dernier.

 

 

Jean-Charles Teissedre

Avocat à la Cour

avocat.sport.cars@gmail.com