Fin de l’appel des décisions des tribunaux administratifs pour les automobilistes

En marge des grands débats autour du projet de loi destiné à lutter contre la récidive, le garde des sceaux, par un décret du 13 août 2013 publié au journal officiel le 15 août 2013, a supprimé, purement, simplement et discrètement, le droit pour les automobilistes de faire appel  des décisions du juge administratif pour tout le contentieux relatif au permis de conduire.

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Rien que ça!

Certes, la prison, l’enfermement et la sortie de prison sont de vrais sujets qui préoccupent toutes les vraies démocraties. Certes, il s’agit de sujets ambitieux qui passionnent. Certes, il s’agit de trouver un équilibre entre le tout carcéral, des prisons bondées et insalubres, et la sécurité que l’Etat doit aux citoyens. Certes, la justice, qu’il s’agisse de la justice administrative ou de la justice judiciaire, s’exaspère de la part grandissante que prend ce contentieux devant des Tribunaux déjà très encombrés.

Disons-le, il s’agit d’un contentieux technique, aride, qui n’intéresse ni le législateur sauf quand il s’agit de le « rationaliser », ni les juges qui se passeraient bien de ces audiences à juge unique où défilent à longueur de journée des personnes qui risquent de perdre ou qui ont perdu leur permis de conduire.

La solution ne se trouve pas dans la création de sous catégories de justiciables qui ont besoin de leur permis de conduire pour travailler et aller chercher leurs enfants à l’école. Et l’on aurait tort de croire que des principes fondamentaux ne sont pas également en jeu en ce qui concerne le contentieux du permis à points qui, au contraire de la prison, concerne directement la plupart des français.

Ceux qui nous gouvernent savent cela mais préfèrent trouver des raccourcis faciles en réduisant toujours un peu plus l’accès à la justice pour le plus grand nombre.

D’un côté, on multiplie sur le bord des routes des radars toujours plus sophistiqués qui flashent l’arrière des véhicules, d’un autre, on réduit l’accès à la justice et la possibilité de faire valoir ses droits dans un délai raisonnable devant un juge parce qu’une bonne justice a un coût. D’un côté, l’Etat gagne de l’argent, de l’autre, il renonce à améliorer l’accès à la justice et au juge.

L’article R811-1 du Code de justice administrative dispose donc désormais que le juge administratif statue, à compter du 1er janvier 2014, en premier et dernier ressort sur « les litiges relatifs au permis de conduire ».

De quoi s’agit-il exactement ?

Du contentieux des retraits de points, de l’invalidation du permis de conduire pour solde de points nul et des suspensions administratives du permis décidées par le préfet. Un contentieux très important qui relève de la compétence exclusive des juridictions administratives (qu’il ne faut cependant pas confondre avec le contentieux qui relève des juridictions de proximité, du tribunal de police ou du tribunal correctionnel selon la gravité de l’infraction et qui n’est pas concerné par cette réforme). Pour prendre l’exemple du contentieux le plus courant, celui qui porte sur les permis de conduire invalidés pour solde de points nul, il s’agit souvent de situations d’urgence dans lesquelles l’automobiliste peut demander au juge administratif statuant en référé (en urgence) de suspendre la décision du ministre de l’intérieur qui invalide le permis.

L’automobiliste retrouvera alors provisoirement – le temps que le juge statue sur le recours pour excès de pouvoir qui accompagne la première à convaincre le juge que son véhicule est aussi un outil de travail (ou de toute autre circonstance particulièrement sérieuse). Cela est toujours possible mais à compter du 1er janvier 2014, si le premier juge refuse, il n’y aura pas de deuxième juge. Il est toujours possible de former un pourvoi en cassation et de saisir le Conseil d’Etat, mais qui désignera un avocat au conseil ? Trop cher, trop long.

La vérité est qu’il est impératif de créer des chambres spécialisées capables de traiter ces contentieux envahissant, quelle que soit la juridiction, et dans un délai très bref. C’est à ce prix que le citoyen, qui est aussi le plus souvent un automobiliste, retrouvera confiance dans la justice. C’est à ce prix que les procédures administratives et judiciaires relatives aux infractions au Code la route et au permis de conduire demeureront conformes à la Convention Européenne des Droits de l’Homme. C’est à ce prix, enfin et surtout, que l’on contribuera à lutter pour la sauvegarde de l’emploi qui est, parait-il, la priorité absolue.

Article rédigé par Jean-Charles TEISSEDRE

jeancharles.teissedre@gmail.com

Avocat spécialisé dans le droit de l’automobile.

www.teissedre-avocats.com

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