Dieselgate-Volkswagengate : « Une Audi 22 fois au dessus de la limite maxi d’oxydes d’azote »

Dans le cadre des tricheries présumées du Dieselgate au sujet des émissions d’oxydes d’azote des moteurs diesel, révélées lors du Volkswagengate, le site web Auto-Moto.com d’Automoto Magazine a donné la parole à notre confrère Jean-Luc Moreau en sa qualité d’expert en véhicules écologiques. Un entretien vidéo dans lequel il précise d’entrée :  « Il y a une Audi 22 fois au dessus de la limite ». Nous l’avons donc contacté par téléphone jeudi au Portugal, d’où il nous a précisé : « Il s’agit de l’Audi A3 2.0 TDi » (ndlr : une parmi 2,1 millions d’Audi concernées) sans manquer d’ajouter que « des constructeurs qui sont également au dessus des normes mais n’ont pas triché vont devoir réagir ». Car, selon M. Moreau : « tous les constructeurs font ça ! »

Pour l'expert Jean-Luc Moreau, l'Audi A3 TDi est une parmi d'autres. Dans l'oeil du cyclone de l'affaire de tricherie des émissions polluantes d'oxydes d'azote du Dieselgate au sein du Groupe Volkswagen.

Pour l’expert Jean-Luc Moreau, l’Audi A3 TDi est une parmi d’autres. Dans l’oeil du cyclone de l’affaire de tricherie des émissions polluantes d’oxydes d’azote du Dieselgate au sein du Groupe Volkswagen.

Drôle d’affaire que ces tricheries aux émissions d’oxydes d’azote, résumées sous le doux nom de Dieselgate car révélé aux USA. Un Volkswagengate qui mérite quelques éclairages. Voici celui de Jean-Luc Moreau, l’un de nos confrères journaliste considéré comme l’un des meilleurs experts français en matière de véhicules que l’on dit verts même s’ils ne sont pas à 100% vertueux. Il s’est notamment confié dans un entretien vidéo exclusif diffusé via Dailymotion sur le site de notre confrère Auto Moto Magazine.

Avant toute chose, il est bon de savoir parmi les gaz polluants il n’y a pas un oxyde d’azote mais des oxydes d’azote constitués d’oxygène et d’azote, dont la formule chimique de base est NOx. Ils englobent le pentatoxyde de diazote, le dioxyde d’azote, le tétraoxyde  de diazote, le trioxyde d’azote, le monoxyde d’azote et le protoxyde d’azote ou monoxyde de diazote.

Le Dieselgate a démarré en Europe, à l’ICCT de Berlin, sous l’impulsion de John German et de Peter Mock

Alors que de ce côté-ci de l’Atlantique on accuse volontiers les américains d’avoir mis le feu aux poudres, l’affaire a bien été déclenchée chez nous. Pour être précis, notons que ce sont deux collaborateurs de l’ICCT (International Council on Clean Transportation) une ONG (ndlr : une organisation non gouvernementale, a priori indépendante donc) basée à Berlin – John German et Peter Mock – qui dès 2014 se sont penchés sur les émissions des véhicules à moteurs diesel. C’est sous leur impulsion que le Dieselgate a démarré.

« Tout le Groupe Volkswagen a été épinglé, dit en préambule Jean-Luc Moreau, car il vend des diesel aux US. Tout vient de l’Europe où il y a la Norme Euro 6. Ils (ndlr : l’ICCT) se sont rendus compte que les véhicules ne respectaient pas du tout la norme (…) En particulier il y a une Audi (ndlr : une Audi 2.0 TDi) qui est 22 fois au dessus de la limite maximale d’émissions d’oxydes d’azote. »

« Quand on sort la voiture du cadre de l’homologation elle émet beaucoup plus ! »

Le moteur 2.0 TDI de l'Audi A3 TDi était réputé pour être l'un des moins polluants face à la concurrence. Il est désolant de le voir impliqué de l'affaire de tricherie aux émissions polluantes d'oxydes d'azote du Dieselgate au sein du Groupe Volkswagen.

Le moteur 2.0 TDI de l’Audi A3 TDi était réputé pour être l’un des moins polluants face à la concurrence. Il est désolant de le voir impliqué de l’affaire de tricherie aux émissions polluantes d’oxydes d’azote du Dieselgate au sein du Groupe Volkswagen.

« Ils ont donc appelé les américains car ce véhicule est vendu au Etats Unis où la norme est encore plus dure que l’européene, poursuit M. Moreau. Et ils se sont dits : si déjà elle ne respecte pas la norme européenne elle ne peut pas respecter la norme américaine… Comment se fait-il qu’ils aient réussi à être homologués sur place ? Les universitaires (ndlr : américains) ont un petit peu cherché, ils ont fouillé dans le calculateur d’un véhicule et là ils ont trouvé un programme dédié au cycle d’homologation.

« La voiture sait quand elle est sur un banc à rouleaux et elle adopte un fonctionnement complètement différent qu’elle aura dans la réalité. Ce qui fait qu’elle passe l’homologation, mais quand on la sort de ce cadre stric de l’homologation elle émet beaucoup plus d’oxydes d’azote ! »

Jean-Luc Moreau : « Tous les constructeurs font ça… Les consommations sont de 15% à 40% au dessus des cycles d’homologation »

« Dans un premier temps, Volkswagen a reconnu qu’ils avaient triché pour l’homologation de plus de onze millions de voitures concernées dans le monde. Mais ce n’est que le début de l’affaire… »

Interrogé par Automoto Magazine, Jean-Luc Moreau ajoute : « Bien évidemment, tous les constructeurs font ça ! (…) Ils optimisent les voitures depuis toujours sur les cycles d’homologation (…) On le voit quand on mesure les consommations (ndlr : en carburant). Les consommations réelles sont de 15% à 40% au dessus des cycles d’homologation et c’est la même chose pour les autres polluants (…) On ne peut pas dépolluer tout le temps (…) On dépollue sur le cycle d’homologation et en dehors du cycle (…)  Les voitures sont  assez inégales (…) Il y en a qui sont moins mauvaises, on ne peut pas dire qu’il y en ait de bonnes, et d’autres sont très mauvaises ! »

« Un rapport de l’OCDE de 2006 et – en Autriche – des mesures de valeurs cent fois supérieures »

Et Jean-Luc Moreau de rappeler : « En Europe, il y a un rapport de l’OCDE (ndlr : Organisation de Coopération et de Développement Economiques) de 2006 qui met le doigt sur cela en disant : attention les valeurs obtenues sur les émissions d’oxydes d’azote lors de l’homologation et les valeurs en circulation réelle n’ont absolument rien à voir. Ils avaient envisagé un facteur 10.

« Un organisme autrichien est même allé plus loin que cela : il a mesuré les voitures  en circulation réelle et il a obtenu des valeurs cent fois supérieures à ce qu’autorisait la norme. On n’est pas dans un petit delta… C’est donc un vrai gros problème ! »

Huit Audi sont potentiellement concernées, soit 2,1 millions de voitures de la marque aux quatre anneaux

Pour notre confrère Automoto Magazine et selon son site web Auto-Moto.com, les Audi potentiellement concernées  (ndlr : parmi d’autres marques et d’autres brochettes de véhicules) sont : Audi A1 (1.6 L diesel), Audi A3 (2.0 L diesel), Audi A4 (2.0 L diesel), Audi A5 (2.0 L diesel), Audi A6 (2.0 L diesel), Audi TT (2.0 L diesel), Audi Q3 (2.0 L diesel), Audi Q5 (2.0 L diesel).

Soit 2,1 millions de voitures de la marque aux quatre anneaux.

L’interview intégrale de Jean-Luc Moreau est sur le site de notre confrère Automoto Magazine, Auto-Moto.com via Dailymotion sous l’intitulé : « Scandale Volkswagen – Le constructeur allemand a commercialisé 11 millions de véhicules dotés d’un logiciel capable de contourner les contrôles anti-pollution. Mais pour notre expert, Jean-Luc Moreau, tous les constructeurs joueraient avec les normes européennes et américaines »

Selon Auto-Moto.com, huit modèles d'Audi seraient concernés par l'affaire de tricherie aux émissions polluantes d'oxydes d'azote du Dieselgate au sein du Groupe Volkswagen.

Selon Auto-Moto.com, huit modèles d’Audi seraient potentiellement concernés par l’affaire de tricherie aux émissions polluantes d’oxydes d’azote du Dieselgate au sein du Groupe Volkswagen. Au total, 2,1 millions d’Audi sont concernées.

Eric Saint-Frison, ex-président de Ford France : « Il est temps que les constructeurs prennent la parole »

Sur sa page Facebook, Eric Saint-Frison, ex-Ford Motor Company et ex-président de Ford France, Directeur de l’innovation à l’Argus, Directeur de Digital Dealer et actionnaire de Micefinder.com a également donné un intéressant point de vue qui mérite d’être longuement médité.

«L’ensemble des media a donné la parole aux politiques sur « l’affaire VW », et c’est un désastre de mauvaise foi et de récupération politicienne. Entre ceux qui veulent que les constructeurs rachètent les diesel de leurs clients, ceux qui parlent des normes sans en connaître la moindre bribe, ceux qui ne souhaitent que gratter quelques votes aux prochaines élection, nous avons atteint un niveau quasi historique de bêtise. Et comme les media ne veulent que de l’audience, le cocktail est parfait.

« VW a certes « Screwed Up » (ndlr : en français « déconné »), mais ils ont globalement été courageux dans leurs attitudes. Donnons leur maintenant le droit de se défendre et de fournir des explications.  Et il est temps que les constructeurs prennent la parole pour dire haut et fort les efforts qu’ils réalisent afin d’essayer de répondre à des normes très souvent idiotes et contradictoires édictées par des fonctionnaires souvent incompétents. Le fait que VW ait commis une (grosse) erreur ne veut pas dire que tous les constructeurs sont à mettre au pilori. Et en attendant bonne route à tous, avec un moteur essence ou diesel. »

Didier Laurent, consultant de l’Argus : « Il est tellement facile de tricher, rien qu’en changeant les pneus… »

Et sur BFMTV ce vendredi midi, notre non moins éclairé confrère Didier Laurent, entre autres consultant pour le Groupe l’Argus, nous donnait tout autant à réfléchir en déclarant en substance : « Ces normes d’homologation ne collent pas à la réalité (…) Il n’y a pas une voiture qui consomme dans la réalité même chose que sur les catalogues (…) Aujourd’hui le cycle d’homologation correspond aux moteurs véhicules à moteur diesel ou essence mais pas aux hybrides qui ne servent plus à rien sur route (…) Il est tellement facile de tricher, rien qu’en changeant les pneus avec une meilleures résistance au roulement (…) le système fiscal et le bonus malus sont du flan (…) Volkswagen s’est fait attraper par une association américaine, mais ça aurait pu être quelqu’un d’autre (…) Les voitures qui passent l’homologation sont des betes de concours (…) On est en dehors de clous ! »

Deux questions : qui a fabriqué le microprocesseur et… si on arrêtait de nous prendre pour des cons ?

Petite question tout de même : mais qui donc a fabriqué le microprocesseur notamment fourni au Groupe Volkswagen, en langage populaire la puce électronique magique ?

C’est tout de même un surdoué, pas si malin que cela puisqu’il s’est fait pincer, mais tout de même !

Aux dernières nouvelles, il paraît que cent voitures vont être tirées au sort en France, histoire de vérifier ceci et cela.

Mais ni ceci ni cela ne serviront à quoi que ce soit, sauf peut-être à rassurer celles et ceux qui croient aux promesses, électorales et autres… Et si on arrêtait un peu de nous prendre pour des cons ?

Lire aussi il faut « arrêter d’emmerder les Français »

Charles-Bernard ADREANI

Photos : l’Agenda de l’Automobile