Disparition de Philippe Gurdjian, l’homme de la renaissance du circuit Paul-Ricard

Philippe Gurdjian ne faisait jamais les choses à moitié. A 69 ans, au moment même où il s’endormait et quittait notre monde, l’un des chefs-d’œuvre de sa vie, le circuit Paul-Ricard entamait un passionnant week-end de compétitions, avec d’un côté le championnat italien des circuits, et de l’autre le championnat de France Supermotard sur le tracé mixte asphalte-terre du nouveau Driving Center.

Car, après la disparition de Paul-Ricard le génial fondateur du site, à l’automne 1997, alors que la famille Ricard devait s’acquitter d’énormes droits de succession, c’est lui qui songea à proposer à Patrick Ricard de vendre le circuit et à Bernie Ecclestone de l’acquérir, pour en (re)faire un temple d’avant-garde des sports mécaniques. L’idée fit son chemin.

Philippe Gurdjian a imaginé le circuit Paul-Ricard du XXIe siècle. D'abord sous la forme du High Tech Test Track, peu à peu revenu à ses origines, les compétitions auto et moto.

Philippe Gurdjian a imaginé le circuit Paul-Ricard du XXIe siècle. D’abord sous la forme du High Tech Test Track, peu à peu revenu à ses origines, les compétitions auto et moto.

Il y avait eu 1970 avec la naissance, il y allait y avoir 1999-2008 avec le renouveau sous la forme du circuit Paul-Ricard High Tech Test Track, un centre d’essais haute technologie, complété par l’Aéroport du Castellet devenu international, et d’un complexe hôtelier de luxe : l’Hôtel du Castellet suivi du Grand Prix Hôtel.

Puis, naturellement, les compétitions et le public sont revenus sur le Paul-Ricard du XXIe siècle.

D’ailleurs, dans une semaine pour les Deux Tours d’Horloge V de V, puis aux 4 Heures du Paul-Ricard ELMS (European Le Mans Series), aux World Series by Renault, aux Dix Mille Tours du Castellet Peter Auto et lors de la finale du GT Tour mise sur roues par Oreca, l’âme de Philippe Gurdjian habitera encore le Plateau du Castellet, où la garrigue aurait probablement repris ses droits s’il n’avait fait revivre la légende du circuit Paul-Ricard.

Stéphane Clair : « Il a fait rayonner les couleurs de la France »

Stéphane Clair, patron du circuit, en est conscient : « Philippe Gurdjian a été l’homme de la renaissance du circuit Paul-Ricard, souvent copié jamais égalé.

Grâce à l’étendue de son savoir et de son expertise du sport automobile, il l’a positionné en avance sur son temps, devant tous les autres qui s’en servent depuis comme modèle.

Une grande part de notre réussite est liée à cela. Il restera l’une des grandes personnalités françaises qui ont fait rayonner nos couleurs de par le monde ».

A propos de la période pendant laquelle le circuit Ricard resta exclusivement une piste d’essais, M. Clair poursuit : « Il fallait une vision et une ambition. Au moment de la vente du circuit Paul-Ricard, le High Tech Test Track était le seul moyen de faire évoluer le site. Sinon, il serait resté en l’état. Je ne sais pas ce qu’il serait devenu, mais il n’aurait jamais pris une telle dimension, tant en termes de fonctionnalité que de luxe. Le talent de Philippe Gurdjian a été d’oser, en phase avec les besoins des teams et des pilotes, des organisateurs, des médias et de tous les professionnels. Des bâtisseurs tels que lui, dans ce secteur il n’y en a pas tant que cela… »

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Homme de confiance et d’action de Bernie Ecclestone

Pilote, Gurdjian avait disputé à plusieurs reprises les 24 Heures du Mans. Et ce printemps, à Paris sous la verrière du Grand Palais il s’émerveillait comme un enfant devant l’une des Ferrari qu’il avait justement conduite dans la Sarthe.

C’est sans doute un peu, et même beaucoup à cause de sa capacité à rêver et à faire rêver les autres que Bernie Ecclestone en fit l’un de ses hommes de confiance et d’action. Il a organisé 28 Grands Prix F1, de France – au Paul-Ricard et à Magny-Cours – jusqu’en Malaisie, au royaume de Bahreïn où il n’eut que cent jours pour terminer les travaux en vue du premier GP le 4 Avril 2004. A Abu Dhabi, il fut le concepteur et le réalisateur de ce projet pharaonique en passant par la modernisant le circuit de Montmélo à Barcelone.

Certes, Philippe Gurdjian n’y allait jamais par quatre chemins, mais il était ainsi. Brut de fonderie, en apparence tout au moins. Considérant que dormir quatre ou cinq heures par nuit était amplement suffisant et qu’il fallait apprendre au moins une chose par jour.

Je me souviens justement comme si c’était hier de celui où, s’amusant des prétentions d’un interlocuteur il me souffla : « Son premier problème, c’est qu’il se prend pour Dieu… Et son deuxième problème, c’est qu’il ne sait pas que je suis Dieu ! » Ainsi parlait, au quatorzième degré, Philippe Gurdjian. Il n’était qu’un homme et le savait, mais il avait aussi appris qu’à force de travail et de persuasion on pouvait, parfois, s’élever au dessus de la mêlée. Avec excellence.

La rédaction de Sport-cars.fr s’associe au deuil de Chantal Gurdjian, de ses enfants, Alexis et sa femme Julie, Stanislas et Carl ainsi que ses petits enfants Andreas et Gabriel.

Charles-Bernard ADREANI

Crédit photo : Paul Ricard 2004 /Jean Francois Galeron